Etude comparée (3)

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Séquence située entre 1’15’’50  et 1’18’02 :
 
Cette séquence est divisée en sept plans et se situe à la suite d’une offensive que les Marines ont lancée sur un village, environ à la moitié du film.
 
        Tout d’abord étudions le premier plan (plan poitrine), assez court (environ 8sec), où l’on peut voir un Marine armé. On peut remarquer que la musique débute en même temps que le sourire de ce soldat. C’est une musique gaie, entraînante presque comique qui ne va pas avec la situation tragique dans laquelle est cet homme mais qui correspond bien avec l’humeur du-dit soldat (ils viennent de gagner leur offensive). Un décalage (musique/situation)  qui sera présent tout au long de la séquence est donc installé.
        Le second plan (assez court lui aussi, 7sec) est filmé en caméra subjective, ce qui permet au spectateur de se mettre à la place d’un personnage, de s’identifier à ce Marine qui serait dans ce char, en état de supériorité par rapport aux Vietnamiens, et qui regarderait les dégâts que le combat a causé. Le canon du char est braqué sur un portrait d’un dignitaire vietnamien, ce qui tendrait à nous faire penser que les américains vont gagner la guerre. On peut noter que les couleurs de ce plan sont assez sombres (gris, noir, kaki qui sont en somme des couleurs « militaires ») Ce décor verdâtre accentue les couleurs, en contraste, des deux incendies.
         Au troisième plan, un hélicoptère vient se poser et des blessés y sont transportés en file indienne.
Cette file indienne, sorte de transition, annonce le quatrième plan, en effet, les 3 Marines « sortent de l’image » par la droite (un est en « retard ») puis réapparaissent quelques secondes après 3 reporters par le même côté. Durant tout le plan les « journalistes » vont se trouver à l’extrême gauche de l’image afin que sur trois, il n’y en ai plus qu’un (voire deux) à l’écran , ainsi cela permet de nous montrer ce qu’ils filment. La situation a quelque chose de comique (ils avancent avec difficulté) et semble être mise en scène au centimètre près par les journalistes-reporters de guerre : tout y est synchronisé comme dans une chorégraphie, les passages de blessés, l’alignement des soldats passifs, assis nonchalamment (le temps semble d’ailleurs arrêté pour eux), le tir du char, puis la réapparition des deux Marines du 3ème plan avec leur caisse. Le travelling de droite à gauche qu’ils exécutent est une mise en abyme du même travelling qu’a réalisé Kubrick, une façon de montrer que même en temps de guerre, les « médias » sont certes présents dans des conditions extrêmes mais peuvent à loisir truquer les informations en mettant en scène des évènements.
           Arrive enfin un 5ème plan sur les reporters. Nous voyons enfin ces fameux  « rapporteurs d’informations » de face. Comme ceux ci sont filmés en contre-plongée, le spectateur entre à nouveau dans la vision des Marines, on pourrait croire que les journalistes ressentent un sentiment de supériorité par rapport à ces soldats, mais cette idée est démentie dans le plan suivant où les Marines se rient de la situation des reporters. Cette façon de filmer peut nous amener à penser que le réalisateur, malgré le fait que la situation semble extrêmement théâtralisée, montre que le métier de reporter n’est pas de tout repos. Le sixième plan, toujours en travelling (mais où un léger zoom est réalisé pour montrer de plus près les soldats)  se distingue par ses « dialogues », les Marines créent une « chaîne » verbale.
Pour clore la séquence, un septième et dernier plan, sur l’hélicoptère, grosse mouche verte foncée (ou «a surfing bird» comme le dit la chanson) décollant dans un ciel immaculé, vierge de toutes traînées noirâtres, un ciel blanc, opaque, propre qui assurerait la victoire aux américains ?
Pas sûr …

 
         Nous pouvons donc conclure que Stanley Kubrick a créé cette séquence pour illustrer la psychologie du livre ainsi que la vision des Marines par rapport à la guerre. Le fait de filmer des cameramen, en effectuant une mise en abyme: "un film dans le film" nous montre comment les reporters ont le pouvoir de déformer la réalité, et  constitue une métaphore du travail de Kubrick pour réécrire l'oeuvre littéraire. Les actions qui s'enchainent au millimètre près, chorégraphiés, nous rappellent le message du livre. Ainsi l'immobilisme des Marines, dans une temporalité qui semble bloquée, illustre  l'opinion de Gustav Hasford face à la guerre du Vietnam, un cauchemar devenu banal  à force d'être quotidien pour les protagonistes, assis en ligne, indifférents au massacre qui se joue derrière leur dos.

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